Mes proches m’appellent Lolo.
J’ai deux obsessions dans la vie. Celle qui est avouable, pour laquelle je suis connu, reconnu, est ma passion pour la mer, l’océan, les fonds marins, les abysses, l’eau et ses profondeurs, inconnues, dangereuses !
J’ai utilisé mes compétences techniques, pratiques, mon ingéniosité, pour dessiner et construire de mes mains des sous-marins.
Je suis le seul particulier au monde à avoir conçu, construit et navigué dans son propre sous marin. Ma notoriété est internationale, proche de celle du commandant Cousteau ou du Capitaine Némo. J’ai d’ailleurs appelé mon dernier sous-marin le Nautilus.
Vingt milles lieues sous les mers d’explorations à venir, des lieux obscurs.
Je me souviens de Marine, journaliste au magazine de découverte océanographique « H²O ». Une passionnée, comme moi ! Elle avait pris rendez-vous pour évoquer « mon génie de l’invention, mes connaissances sous-marines, mes expériences des profondeurs ». Elle avait argumenté pour obtenir ce sésame, ce privilège de m’accompagner dans mon sous-marin, pour une interview en profondeur, près des lames de fond, du fond de l’âme.
Je me souviens de son sourire, de son accent chantant me rappelant l’appel des sirènes, de son parfum « Brise Océane » que je reconnaitrais parmi tous.
Assez vite après l’embarquement, nous avons entamé la descente par paliers. Vers l’enfer ? Elle s’est jetée à l’eau et a commencé à m’interroger. Mais savait-elle qu’elle nageait en eau trouble ?
J’avais cette présence, cette apparence froide et somnolente de l’eau du large qui attend la tempête. Lui avait-on appris à se méfier de Lolo qui dort ?
Sa première question était précédée d’une longue introduction. Elle voulait certainement me prouver ses connaissances, l’étendue de ses recherches sur ma personne.
Je l’ai coupée tout de suite, sans attendre la fin de ce préambule, ces préliminaires !
Ce fut bref, définitif !
La veille, j’avais aiguisé la lame de ma hache.
Les dangers des lames de fond, du fond de l’âme.
La découpe s’est poursuivie sur mon plan de travail. J’ai gardé quelques reliques, en souvenir, et jeté le reste à la mer, dès mon retour à la surface. J’aime l’idée de vivre d’amour et d’eau fraiche. Son reportage est, comme elle, tombé à l’eau. Elle restera une de mes conquêtes Marine.
Je pense à elle, lorsque j’ouvre l’écoutille de ma boite à souvenirs. A l’intérieur, une hache, 2 os.
Histoire semblant surréaliste mais malheureusement inspirée d’un fait divers tragique et sordide : Article dans « Le Monde » du 9 septembre 2020.
" Coup de théâtre dans l’affaire du sous-marin danois : Peter Madsen, condamné à la perpétuité pour le meurtre de la journaliste suédoise Kim Wall dans son submersible artisanal, a reconnu pour la première fois sa culpabilité dans un documentaire diffusé mercredi 9 septembre. ../..
Cet aveu, qui survient plus de trois ans après les faits, ne fait pas la lumière sur les circonstances exactes de la mort de la jeune femme. Interrogé au téléphone, l’inventeur de 49 ans répond « oui » à la question du journaliste lui demandant s’il a tué Kim Wall, mais ses explications sur les détails du décès restent floues. ../..
« C’est ma faute si Kim n’est plus là maintenant », reconnaît le quadragénaire, condamné en avril 2018 pour son meurtre avec préméditation, précédé de violences sexuelles. Le soir du 10 août 2017, la brillante journaliste avait embarqué à bord du Nautilus avec Peter Madsen, le concepteur et propriétaire du submersible. ../..
La trentenaire souhaitait faire le portrait de cet ingénieur autodidacte obsédé par la conquête des mers et de l’espace, très connu dans son pays. Kim Wall avait été portée disparue dans la nuit par son compagnon et son corps avait ensuite été retrouvé en mer, démembré. ../..
Lors du procès, il avait reconnu avoir découpé le corps sans vie de la jeune femme avant de la jeter dans la mer Baltique, mais maintenait que son décès était accidentel. ../.. Le procureur, Jakob Buch-Jepsen, était convaincu que Peter Madsen avait prémédité le meurtre, emportant à bord « scie, couteau, tournevis aiguisé, sangle et collier de serrage ».../…
Laurent Podraza
Étonné et subjugué par ton imagination, je profite de cet essai aquatique pour te renouveler mon plaisir de te lire. Rien n'est simple ni le passé ni le futur même si il est conditionnel. Tout est imparfait, mais voilà à présent que tes élucubrations marines prennent leur source dans les faits d'Hiver. Tant mieux on n'est pas prêt de se dire que tes élucubrations ne furent qu'un amour d'été 😉
Merci, c'est toujours avec plaisir que je reçois tes invitations 🙂