L’histoire de Petit Fernand commence ailleurs, on ne sait où ? Sa blondeur était-elle un indice sur son territoire d’origine ? Venait-il d’Europe de l’EST ou du NORD? Etait-il d’origine bavaroise, liégeoise ou norvégienne ? Cela restera un mystère !
L’histoire de Petit Fernand commence, il y a quelques temps, on ne sait quand ? Peut-on se fier à la courbe de croissance moyenne des enfants pour déterminer son âge ? Sa génétique, son hérédité, son cadre de vie de petite enfance avaient-ils influencé son développement physique ? Quelle était même approximativement sa date de naissance ? Cela restera un mystère !
L’histoire connue de Petit Fernand commence dans la grange de Vieux Fernand, un peu givré, dans un panier au milieu de gâteaux et sucreries. Qui l’a déposé là ? Cela restera un mystère ! C’était un 30 octobre, la St Bienvenu !
Sa découverte a été considérée par Vieux Fernand et Germaine comme une offrande divine, cet enfant tant désiré, après tant de grossesses interrompues ! Germaine, fataliste, avait fini par se dire qu’elle ne savait pas faire, que son ventre n’était pas hospitalier.
Vieux Fernand était né aussi à la ferme, mais dès son premier jour de vie. C’était un 27 juin, La St Fernand !
Comme ils ne connaissaient pas la date de naissance du petit, comment le prénommer ? Les gens du village l’ont tout de suite appelé le petit de Fernand, puis Petit Fernand, avec un « P » majuscule. C’est devenu son prénom. Celui de son père adoptif a aussi un peu évolué, dans les conversations locales, par besoin de différentiation, pour devenir Vieux Fernand, avec un « V » majuscule.
Petit Fernand a grandi à la ferme, dans les pas de son « Vieux », sous la protection bienveillante de Germaine, qui le gâtait de bons petits plats, de pâtisseries qu’il affectionnait tant.
La vie du village s’animait régulièrement autour des fêtes d’anniversaire des uns et des autres, sur la place du marché. Il suffisait de regarder le calendrier de la poste, et on savait qui célébrer. Le boulanger du village fabriquait un énorme gâteau partagé par tous.
Par exemple, on fêtait l’anniversaire de sa mère le 15 juin, La St Germaine, du « Vieux » deux semaines plus tard, à la St Fernand, puis, encore deux semaines plus tard, de la fille du pâtissier, qu’il dévorait des yeux avec gourmandise. C’est le 9 juillet, la St Amandine !
Dans les coutumes locales, on lit l’éphéméride journalière avant la météo. Le facteur a beaucoup de succès lorsqu’il vient, avant la nouvelle année, quémander ses étrennes avec ses calendriers à la main.
Tout le monde est fêté pour son anniversaire, sauf Petit Fernand ! Il ne connait pas sa date de naissance !
Il a déjà essayé de revendiquer une place dans les festivités locales, sa part royale du gâteau d’anniversaire, mais ce n’était pas le jour pour protester ! C’était le 24 août, la St Barthélémy !
Il a donc réagit en calquant sa vie sur les anniversaires des autres, pour que chaque jour soit une fête, même si ce n’est pas la sienne :
Certains jours, il pensait à sa famille de cœur, ses parents adoptifs, pour les gâter de présents ! C’étaient les 15 et 27 juin, la St Germaine et la St Fernand !
D’autres jours, il pensait à son cœur, espérant fonder une famille avec une des deux plus jolies gourmandises du village, qu’il dégustait déjà avec les yeux… avant de leur parler de futur. C’étaient les 9 et 17 juillet, la St Amandine et la St Charlotte !
Un jour son cœur se réservait à son couple rêvé, uni pour la vie. Un moment merveilleux ! C’était le 24 avril, la St Fidèle !
Un autre jour, son cœur partait en chamade à chaque croupe croisée, regard appuyé ou sourire échangé. C’était le 20 février, la St Aimée !
Un jour, il se déterminait un cadre de vie raisonnable, régulier, routinier, sans remise en cause perpétuelle. C’était les 23 septembre, la St Constant
Un autre jour, il devenait philosophe, prenant du recul, de la distance, se posait des questions existentielles, évitait toute émotion négative, et papillonnait, profitant de chaque petit instant, vivant au jour le jour, de manière changeante. C’était le 2 octobre, la St Léger !
Certains jours il respectait toutes les consignes de sécurité, au travail de la ferme, en traversant la route, en roulant avec son Solex… Il vivait chichement, discrètement, stockait des vivres, épargnait, par précaution, pour prévoir le lendemain. C’étaient les 24 février et 6 mai, La St Modeste et la St Prudence !
D’autres jours il dépensait sans compter, montrait l’étendue de sa petite fortune, s’affichait au village de manière ostentatoire, avec sa Rolex au poignet, tiré à quatre épingles, cravate et smoking. Il arborait fièrement les médailles et le drapeau trouvés dans le grenier du Vieux Fernand, pour être considéré, valorisé, par les notables et ses concitoyens. C’était les 7 mars, 16 mai et 25 juin, la St Félicité, la St Honoré et la St Prosper !
Certains jours, il devait répondre d’actes délictueux devant les tribunaux, de petits crimes ou délits que certains pouvaient lui reprocher. C’étaient les 4 et 14 octobre, la St Fr d’Assise, et la St Juste !
D’autres jours, après délibération, les jurys réduisaient la portée de ses inculpations ou l’acquittaient. C’étaient les 23 Novembre et 28 décembre, la St Clément et la St Innocent !
Mais ce 18 avril était la St Parfait, le jour Parfait, le jour du crime parfait !
Il commença par le scalper, lui décalotter le sommet du crâne avec sa lame tranchante. Il en sortit tout le contenu, séparant délicatement le fœtus cérébral de son liquide amniotique. Il le laissa téter, une dernière fois, le lait maternel au taux de glucose légèrement trop élevé. Il le plaça en couveuse, ne pouvant s’empêcher de le battre, le fouetter, pour l’assouplir, l’empêcher de résister, de frémir, jusqu’à le ramasser à la petite cuillère. Il était temps de faire appel à son complice, son appareil, qui tient un rôle de composition, pour tirer les fruits de l’expérience et faire son beurre. Il était reconnu comme la crème du milieu, alliant efficacité et discrétion. Il ne restait qu’à mettre le corps en boite et le laisser refroidir, en chambre, si possible.
Un crime parfait s’accompagne toujours de la disparition du corps et de toutes les traces. Quoi de mieux que la consommation immédiate et un ménage approfondi de la scène, du laboratoire criminel ? Petit Fernand choisit donc de le sortir encore frais, et de le manger lentement, avec raffinement et délectation.
La gourmandise était son pêché, son crime capital, originel.
L’histoire de Petit Fernand a commencé ailleurs, on ne sait où ? Etait-il d’origine bavaroise, liégeoise ou norvégienne ? Cela restera un mystère !
L’histoire connue de Petit Fernand a commencé, un peu givré, dans un panier au milieu de gâteaux et sucreries. Un cadeau pour Vieux Fernand et Germaine, qui l’a gâté de pâtisseries qu’il affectionnait tant, même s’il a toujours envié goulument la part royale du gâteau d’anniversaire de ses concitoyens.
Il s’est rattrapé, en partie, en fêtant les Amandines, Charlottes, St Honoré, etc… Des moments merveilleux !
Il a donc vécu autour de la vie des autres, qu’il cuisinait à sa sauce.
Mais son vice personnel restera cette chaire tendre et fraiche, légèrement sucrée, délicatement accommodée par sa recette et consommée discrètement. Un plaisir solitaire !
Cela restera son secret !
Le Parfait, aux fruits ou au chocolat !
Laurent PODRAZA
Savoureux !
Par tous les saints, entre la belle et la rouille, voilà un bien joli trait de plume qui trouverait place dans toute gazette, si son rédacteur en chef avait du cran.