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"Ma sortie en boite" et "Le videur de la boite"

Textes écrits il y a plus de 10 ans (fin 2009), après la lecture d'un tout petit article dans les pages internationales d' un grand quotidien national. Sa couverture était entièrement consacrée aux soucis de santé de notre Johnny Hallyday national dans un avion entre la France et les Etats Unis.

Les 5000 à 6000 victimes ne faisaient pas le poids face à l'idole du pays (avec tout le respect que je lui dois !).

Mai 2020, le magazine "Le Point" leur consacre un article plus conséquent. A-t-il été repris par vos médias de prédilection ?



Ma sortie en boite

Il faut que je vous relate

ma dernière sortie en boite,

parmi toutes ces ombres

dans cet univers sombre :

Apportant une réponse

à la lecture d’une annonce,

j’ai quitté les favelas,

soulageant mon père, si las.

Foulant ce chaud bitume,

sans aucune amertume,

j’ai traversé la contrée,

avec un chien rencontré.

J’ai atteint discrètement

le centre de recrutement,

pour sagement attendre

le moment de me vendre.

Un soldat m’apostropha !

Je bondis donc du sofa,

pour le suivre prestement

dans les caves du bâtiment.

Ce sergent du régiment

me demanda simplement

d’enfiler un vieux treillis,

et de penser au pays !

Souriant de toutes mes dents,

en songeant au président,

j’ai bombé le torse,

pour démontrer ma force.

Je sentis une douleur,

et comme de haut-parleurs

sonna une détonation

sans aucune explication.

Est-ce un test d’aptitude ?

J’avais quelques inquiétudes !

Peut-être avais-je déplu ?

Mes jambes ne me portaient plus !

Elles ont été agrippées

pour, me trainer et riper

sur ce sol sans matelas,

me jeter sur le tas, là !

Il faisait soudain si froid

et le visage plein d’effroi

de ces corps qui m’entouraient

m’apprirent que je mourrais !

Ensuite, quelqu’un m’a mis

comme tous les ennemis

dans une caisse numérotée,

montrée aux autorités.

Il fallait que je relate

ma dernière sortie en boite,

parmi toutes ces ombres,

dans cet univers sombre.

Ce contrat que je cherchais,

sur ma tête, le décrochais !

Durée indéterminée !

Je vais ainsi terminer.

Le videur de la boite

Mais Monsieur le Président,

je ne suis qu’un adjudant

dans une guerre civile

qui approche la ville !

Les frappes chirurgicales

en jungles tropicale

sont devenues trop risquées

pour des militaires planqués.

Pour combattre la guérilla,

il est vrai qu’on fusilla

de jeunes désargentés

qui finissent par nous hanter.

Petits apprentis héros,

grimés en guérilléros,

couverts de leurs vêtements,

recrutés discrètement.

Il fallait des résultats

et atteindre des quotas,

jusqu’à commettre des crimes

pour obtenir des primes.

Laurent PODRAZA




Colombie: confessions d'un officier sur des exécutions de civils

AFP

© Fournis par Le Point

En pleine offensive contre les guérillas, une morgue de Colombie s'est remplie à tel point de cadavres, présentés comme des rebelles ou des délinquants, qu'ils ont fini dans une fosse commune, témoigne le colonel Gabriel de Jesus Rincon.

Il s'agissait en réalité de civils abattus par des militaires. "Je n'ai pas tué, mais j'ai contribué à ce que cela se fasse", a admis cet officier de 53 ans, lors d'un entretien exclusif avec l'AFP.

La révélation de ces exécutions extra-judiciaires a déclenché un énorme scandale dans une Colombie minée par six décennies d'une guerre interne qui a fait plus de huit millions de victimes (morts, disparus et déplacés).

Après 22 ans de service dans l'armée de terre, Rincon a été mis en retraite, condamné pour disparition forcée et homicide. De 2006 et 2008, cet homme au regard d'acier commandait la 15e Brigade mobile, dans le département Norte de Santander, dans l'est de la Colombie.

L'offensive contre les guérillas était alors si intense que la morgue du village d'Ocaña a débordé. Craignant une crise sanitaire, le maire et le curé ont, en septembre 2008, fait transférer 25 corps dans une fosse commune. Plusieurs ont alors été identifiés comme ceux de civils disparus depuis des semaines.

Faux morts au combat

Rincon affirme avoir su lors de l'exhumation qui étaient ses victimes: des jeunes de Soacha, banlieue pauvre de Bogota, à 740 kilomètres de là.

"J'ai donné les moyens (...) de les faire passer pour des morts au combat", précise-t-il.

Il confie pour la première fois à un média des faits pour lesquels il comparaît devant la Juridiction spéciale de paix (JEP), issue de l'accord de 2016 avec l'ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), aujourd'hui désarmée.

"Je n'ai pas dénoncé et j'ai permis que les unités déployées là-bas, dans la zone de combat, recourent à de telles pratiques", admet-il.

Les soldats tenaient le compte des guérilleros et narco-paramilitaires tués lors des affrontements, amplifiés sous le président d'ultra-droite Alvaro Uribe (2002-2010). Les bons résultats étaient récompensés en médailles, permissions et promotions.

Rincon, détenu dix ans, a été condamné en 2017 à 46 ans de prison pour l'assassinat de cinq jeunes, âgés de 20 à 25 ans, présentés comme "tombés au combat".

Deux civils, agissant comme recruteurs, emmenaient les victimes en autobus jusqu'à Ocaña, leur faisant miroiter un "argent rapide". Puis des soldats de l'unité Espada les exécutaient. "Je n'ai jamais eu à leur expliquer (...) je leur ai seulement dit: vous allez partir en opération, on va vous livrer des personnes et vous savez ce que vous avez à faire."

Des milliers de "faux positifs"

Victor Gomez avait 23 ans lorsqu'il a fait ce voyage sans retour avec deux autres.

"Ils les ont saoulés, puis les ont emmenés jusqu'à (...) un faux barrage militaire où les recruteurs les ont livrés (...) Le lendemain, ils étaient morts", a expliqué Carmenza Gomez, mère de Victor.

Tous trois ont été présentés comme membres d'un gang. "Victor avait une balle dans le front, un coup de grâce", précise cette femme de 62 ans, sous protection depuis des menaces dues à sa volonté de "chercher la vérité".

Des milliers de morts au combat - des "positifs" en jargon militaire - étaient en réalité des civils abattus de sang froid. Le Parquet a été saisi de 2.248 cas de ces "faux positifs", dont 59 % tués entre 2006 et 2008, du temps du président Uribe, aujourd'hui sénateur et qui nie toute responsabilité.

"Les commandants étaient incités à obtenir des résultats de quelque manière que ce soit, et cela les amenait à commettre (...) ces assassinats (...) sous un semblant de légalité", explique Rincon.

Selon José Miguel Vivanco, de l'ONG Human Rights Watch, des dossiers ont été "oubliés par la justice pénale militaire", et une "estimation crédible" des Nations unies fait état d'environ 5.000 exécutions.

Cela n'a pas été le fait de "quelques pourris, mais des crimes généralisés et systématiques", souligne-t-il.

"Contribuer à la guerre"

Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes contre 29 généraux.

Rincon avait un jour été interpellé par le chef de l'armée de terre, le général Mario Montoya, depuis retraité et qui comparaît lui aussi devant la JEP.

En demandant comment il comptait "contribuer à la guerre", Montoya lui avait suggéré: "Pourquoi ne sortez-vous pas des types de la morgue, vous leur mettez un uniforme et vous les déclarez comme résultats."

Bien qu'il n'ait jamais reçu l'ordre direct de tuer, Rincon a révélé l'existence d'"un Top 10" des unités militaires, dont le succès se mesurait en nombre de morts.

L'avocat du général Montoya assure que son client "n'encourageait absolument rien".

"Il y a 2.140 militaires cités dans des enquêtes sur des exécutions extra-judiciaires, soit 0,9 % de ceux opérant dans l'armée de terre durant la période (...) cela montre qu'à aucun moment il n'y a eu de directive pour des faits aussi atroces", affirme Me Andres Garzon.

Vérité dangereuse

Rincon est en liberté provisoire depuis 2018 afin de se présenter devant la JEP, qui enquête sur les crimes les plus graves commis par des guérilleros des Farc et des militaires.

Après avoir demandé pardon pour ses crimes, il doit dire la vérité et dédommager ses victimes, en l'occurrence les familles, pour bénéficier d'une peine alternative.

Ayant échappé à un attentat en novembre dernier, il a été mis sous protection, comme 19 autres des 219 militaires comparaissant devant la JEP. Son avocate, Tania Parra, a elle aussi été menacée.

"Raconter la vérité après plus de 50 ans de conflit (...) implique évidemment un risque", souligne Giovanni Alvarez, directeur de l'unité d'investigation et d'accusation de la JEP.

Suspendues en raison du Covid-19, détecté en Colombie le 6 mars, les audiences ont repris le 4 mai.

Rincon attend la confrontation avec les familles. Il veut leur expliquer ce cadre d'"instigation et pression" qui l'a transformé en bourreau "au profit d'intérêts institutionnels".

"Cela va être très difficile de nous voir face à face, victime et agresseur", lâche-t-il.



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