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Notre Marianne (12)

EPISODE 12 : APRES-GUERRE (Les deux enfants ainés)


Considérons la période scolaire :

Les deux ainés sont entrés à l’école

assez tard, car en période de guerre,

l’éducation nationale bricole.


Première rentrée vers l’âge de sept ans,

par demi-journée, jusqu’à treize heure trente.

Cours perturbés par de nombreux contre-temps,

dans cette phase remplie de tourmente.


A chaque alerte, il fallait descendre

au plus vite, dans les caves et abris,

y rester un long moment à attendre,

à penser à leur culture en débris.


Léocadie, à l’école des filles,

n’apprenait pas les théories féministes

entre le marteau et la faucille

de la municipalité communiste.


Qui a donné à cet établissement

La dénomination de « Sainte Barbe » ?

Est-ce un moyen de pouvoir sournoisement

insinuer, même si ça le barbe,


que tout mineur a sa sainte patronne

qui le protège de l’ensemble des dangers ?

Pour la fêter, jamais on ne claironne

que la sainte patronne pourrait se venger !


Longtemps après avoir connu le martyr,

avant de devoir rejoindre les étoiles,

sous la foudre de son père, sans repentir,

Sainte Barbe pourrait être de mauvais poil !


Léocadie intègre par la suite

le centre de formation « Le Ménager »

pour l’apprentissage des bonnes conduites,

du seul métier qu’elle peut envisager :


Petite fée de son logis, sa tanière.

On peut imaginer tous les contenus :

En toutes circonstances, les bonnes manières,

une maison et un budget bien tenus.


Expériences déjà beaucoup pratiquées,

en accompagnant Marianne, sa maman

pour l’aider à tout nettoyer, astiquer,

comme une ainée exemplaire, vaillamment.


Elle a même apporté quelques revenus,

en faisant des ménages à l’extérieur.

Ces quelques pièces étaient les bienvenues,

extraites des poches de son employeur.


Lorsqu’elle note son prénom sur son journal,

elle ne sait pas encore qu’un autre Henri,

loin de son environnement patronal,

va s’employer pour devenir son mari.


Dans ses moments de liberté, au mois d’août,

Léocadie aiguisait son sens pratique

dans les activités d’un groupe de scouts,

qui la changeaient des labeurs domestiques.


Marian dénicha un vieil accordéon,

trouvé et entreposé par son père,

et sortit l’instrument de son panthéon,

pour l’engager comme premier compère.


Habitant dans la cité des musiciens,

d’abord rue Bizet, puis ensuite rue Chopin,

pas la peine d’être un grand théoricien,

pour prophétiser son premier gagne-pain.


Il débuta à partir de ses cinq ans,

bien avant de maîtriser la lecture,

bien avant les habituels pratiquants,

l’initiation du solfège à la dure.


Les premiers cours furent au domicile

d’un professeur, près du parc de La Lave,

dont les compétences étaient fragiles.

Il fut remplacé après un conclave.


L’oncle Wladek a finalement trouvé,

un nouveau professeur, au bout de Bruay,

à trois quarts d’heure de marche, sur les pavés.

Trajet qui chaque fois les exténuait !


Il fallait bien sûr emporter l’instrument,

à la fois très lourd et très volumineux.

Pour éviter à Marian ces errements,

le chemin de croix de l’accordéoneux,


l’oncle Joseph l’accompagna au début.

Puis à partir de sa huitième année,

la poussette d’enfant sortie du rebus,

promenait son instrument en nouveau-né.


Et ce jusqu’à une douzaine d’année,

lorsque le grand-père trouva un vélo,

qu’il lui confia, pour ses trajets à mener,

accordéon sur le dos, en plein galop.


Marian progressa très vite en musique,

jusqu’à intégrer, très jeune, un orchestre,

qui écumait les bals des romantiques,

du premier de l’an à la Saint Sylvestre.


Le lundi matin, de retour à l’école,

il était victime de somnolences,

suite à ses prestations dans ces lieux frivoles :

les salles des fêtes, de Bruay à Lens.


L’instituteur, compréhensif, négociait :

acceptant de fermer les yeux, lui aussi,

sur les paupières de plomb qui s’affaissaient,

et les quelques moments de catalepsie.


Il s’agissait de faire, en contrepartie,

cours de musique à ses petits camarades,

un autre public de jeunes apprentis,

sans les mener en haut du hit-parade.


Marian développait pour la composition

aussi un talent précoce particulier,

créant, écrivant ses propres partitions.

Assez rare sur les bancs des écoliers !


Mais pour la déclaration à la SACEM,

de sa première musique, « Rêve de printemps »,

le professeur s’attribua, pur blasphème

la paternité de l’œuvre, dégoutant !


Quelle déception pour le petit Marian,

de se faire trahir par son professeur !

Découvrant le pot aux roses si contrariant,

il le quitta, sans choisir de successeurs.


A l’école, dans les classements, il brille.

Il y est aussi un excellent élève,

et fait honneur à toute sa famille.

La croisade du chevalier porte glaive !


Pour parvenir à sa terre promise,

il obtient son certificat d’étude,

brillamment, avec beaucoup de maîtrise.

Mais d’autres font voler ses certitudes !


Refus de son entrée au collège public,

ou seulement sur une liste d’attente

derrière tous les cancres de la république,

de manière tellement insultante !


Non naturalisé, ce fils de polac,

devait rester un obscure, dans l’ombre.

Il rêvait simplement d’obtenir le Bac !

Son avenir devait-il être sombre ?


Qui pour enfin pouvoir conjurer la poisse,

ou juste choisir les mots pour le consoler ?

C’est le curé polonais de la paroisse

qui demande rapidement à lui parler.


Connaissant d’expérience son potentiel,

le prêtre s’autosaisit et réfléchit

après sondage de son grand pote au ciel,

à la manière d’éviter ce gâchis.


Depuis la sacristie de la basilique,

il lui propose la chance d’intégrer

une classe de l’école catholique

de Vaudricourt, ouverte aux immigrés.


Mais flairant immédiatement la traitrise,

et pensant que les contenus de ses cours

ne mène logiquement qu’à la prêtrise,

de peur, il exprima son refus tout court


Sentant la fatalité, il se résout.

Son futur était finalement tracé.

Il essuya son premier coup de grisou,

qui sera très difficile à effacer.


Il se rendit de suite à la fosse,

au bureau du centre de recrutement,

même s’il n’était encore qu’un gosse,

ils l’ont inscrit et embauché prestement.


Il avait l’assentiment de son père,

qui avançait avec son nouveau pilon,

sans pouvoir trouver de terres prospères.

Il comptait donc amplement sur son fiston !


Est-ce d’ailleurs à cause de sa jeunesse,

volée, subtilisée de si bonne heure,

de par ses origines et son droit d’aînesse,

qu’on se contentait de l’appeler « mineur » ?


Entre eux, son premier surnom était « le mioche »,

qui continue à pousser, les wagonnets.

Une croissance entre deux coups de pioche

dans les sous-sols du village de Gosnay.


Dès le début, il épate la galerie,

en n’hésitant pas à aller au charbon,

pour regarnir les gosiers des chaufferies

de bons franchouillards et buveurs de bourbon.


A la fin de son poste, il remonte « au jour »,

même si parfois il y fait déjà nuit,

pour rejoindre ensuite, presque toujours,

les bals de cités et danseurs de minuit.


Il y trouve la lumière, remplit la musette,

à l’aide de son fidèle accordéon

faisant valser toutes les amusettes

aux premières du théâtre de l’Odéon.


Marian était une vraie « gueule noire »

qui rentrait avec quelques pièces à la main.

Si le destin était prémonitoire,

prévoyant à chaque enfant, ses lendemains ?


En juin 40, au moment de la débâcle,

des dizaines de milliers de soldats alliés

ont défilé, sans aucun sens du spectacle

sur la rue de la république, les mains liées.


Tous ceux qui n’ont pas pu être évacués,

par les Anglais, de Dunkerque et sa rade,

et qui par chance n’ont pas été tués,

formaient ce triste convoi en parade.


Marianne, comme de nombreuses voisines,

s’était rapprochée d’eux, au bord de la route,

avec des denrées qu’elle avait en cuisine,

à donner aux malheureux, en casse-croute.


Elle portait, tenait Marian, entre ses bras,

qui participait à la distribution

à tant de prisonniers qu’il ne dénombra

toutes les victimes de cette soumission.


L’un d’eux, originaire d’Afrique noire,

le remercia de sa solidarité,

en plaçant dans sa petite main d’ivoire

encore sans aucune callosité,


une pièce de monnaie de la république.

N’ayant jusqu’alors vu des gueules noires,

que couverts d’une suie épidermique

qui disparaissait dans l’eau de baignoire,


Marian, très étonné, observa sa main,

comme si elle avait pu être maculée !

Était-ce un signe prédisant ses lendemains,

sa destinée, au risque d’affabuler ?


Était-il ainsi guidé vers sa maman,

avec sa gueule noire sortie du puit,

pour tendre quelques pièces d’appointement,

inconsciemment, comme il le faisait depuis ?


Laurent Podraza

 

Episode 13 : "APRES-GUERRE (Les autres enfants)", prochainement !



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