EPISODE 13 : APRES-GUERRE (Le reste de la clique)
HENRI
Envisageons le reste de la clique,
Dans l’ordre d’apparition, d’abord Henri,
très tôt passionné d’électrotechnique.
A tel point, qu’encore souvent on en rit !
On ne pouvait lui reprocher d’être oiseux,
derrière l’équipement de son atelier.
Est-ce à cause de son naturel très taiseux,
qu’Henri avait un goût si particulier,
pour les techniques de communication,
les émissions et réceptions hertziennes
et différentes formes de captations,
derrière les vantaux de ses persiennes.
Il divaguait déjà, dans ses nuages,
bien avant l’ère du « cloud » et d’Internet,
et n’était simplement pas de son âge,
ou connecté à une autre planète.
Même sa seule crise d’adolescent
s’était exprimée sans un mot, sans un cri,
ou seulement celui de son frère Marian,
surpris dans la posture de Jésus Christ,
avec une fourchette plantée dans la main,
après avoir tapoté celle d’Henri,
pour lui signifier qu’il n’était pas surhumain,
pour tout petit bonhomme qui se nourrit
d’utiliser des couverts métalliques,
à la place de ses petites mimines !
Ce sera la seule blessure biblique
déclarée comme accident à la mine !
Il intégra le lycée professionnel
et compléta sa culture technique,
initiative tout à fait personnelle,
cela va paraître anachronique,
par la lecture et l’étude d’articles
de nombreux magazines spécialisés,
comme le feraient des acteurs d’hémicycles,
pour des connaissances actualisées.
Il avait monté sa propre chaîne hifi,
pour recevoir et écouter ses musiques,
qui allaient créer beaucoup de rififi !
Elles n’étaient pas toujours des plus classiques.
Elles étaient loin du folklore polonais !
En effet, Franck Alamo et Jean Ferrat
n’étaient pas les plus courantes des monnaies
utilisées par la nomenklatura.
Que dire des groupes connus que de lui-même,
avant d’inonder ses ondes hertziennes
et devenir pour sa jeunesse un emblème,
une identité qui sera la sienne.
Il avait aussi pu dégoter un kit
pour recevoir la deuxième chaîne de télé.
Afin de la régler et en être quitte,
il dû monter sur la toiture gelée.
Il tournait l’antenne progressivement,
tout en écoutant les cris d’un spectateur,
qui, devant l’écran exprimait bruyamment,
la qualité d’image du moniteur.
JEANNINE
Ensuite Jeannine qui souffrira très tôt
du manque de tendresse de ses parents.
Toute petite, elle avait subi des râteaux.
Un bon terreau pour paraître transparent !
Marianne était accaparée par ses tâches.
Wladyslaw exprimait peu ses sentiments,
cachés entre les poils de sa moustache.
Cela paraissait rasoir, apparemment.
Léocadie avait déjà mis les voiles.
Le vent du large, qui permet de convoler,
l’a fait décoller vers sa belle étoile.
Ne restait que Marian pour la consoler !
Il gardait quelques pièces de sa solde,
ou destinées à son prof de musique,
pour garnir ses poches, comme chez Harold,
de petits carreaux d’un goût si typique.
Seule lauréate de la tombola,
la petite Jeannine attendait son retour,
impatiente de déguster le chocolat,
glané dans la paume de son troubadour.
Pour stimuler son cœur, en pacemakeur,
elle ne pouvait s’empêcher de se jeter
dans les bras de son grand frère bienfaiteur,
de se blottir contre son corps éreinté.
Ronronnant son bien-être, tout en souriant,
comme une bouillote chaude et drapée,
elle s’endormait ensuite aux pieds de Marian,
qui faisait la sieste sur le canapé.
Jeannine ne pouvait cacher ses émotions,
comme pour sa première vision de la mer.
Son grand sourire pouvait faire la promotion
de tous les produits d’hygiène dentaire !
Pour ses dix ans, en vacances à La Napoule,
elle était si heureuse, rayonnante,
que même ses orteils, couverts d’ampoules,
illuminaient chaque nuit imminente !
Elle rêvait de devenir bohémienne,
au mode de vie libre et nomade,
comme son héroïne, Marjolaine,
adoptée par des gitans en balade.
Sa longue chevelure à tresses noires,
ses franges, volants et jupons bariolés,
resterons encore longtemps dans sa mémoire,
inspirant ses créations rafistolées.
Tous ses cadeaux l’invitaient au voyage !
Sachant que même l’exotisme se mange,
et qu’à chaque périple, on tourne une page,
pour Noël, un livre et une orange !
« L’invitée de Camargue » en lecture,
tout comme « Marjolaine et le troubadour »
ou « Jolie Pépita » dans ses aventures,
étaient mieux que « La Dame de Pompadour » !
En plus de son appétit de lecture,
Jeannine développa des compétences :
l’art de la broderie et la couture,
qu’elle gardera toute son existence.
Elle adorait recoudre les vêtements,
toutes les déchirures du linge de famille,
et se lançait tout aussi habilement,
dans ses créations, de fils en aiguilles.
Déjà petite, dès le retour de l’école,
elle se jetait de suite sur son ouvrage,
affinant sa technique et son protocole
pour monter les vestes, robes et corsages.
Pour un travail demandé par la maîtresse,
elle créa une belle broderie.
Mais elle fut accusée d’être une traitresse,
qui fait preuve de vilaine fourberie.
La broderie était tellement parfaite,
qu’elle ne pouvait en être la créatrice.
Le délit de création contrefaite
devait être prouvé par l’institutrice.
Celle-ci démonta le bel ouvrage
et demanda à Jeannine de le refaire.
Elle s’exécuta sur le champ, sans rage,
avec dextérité et grand savoir-faire.
L’œuvre réapparaissait parfaitement,
sous les yeux de la cour de république.
L’accusatrice s’est excusée platement,
devant le tribunal et son jeune public.
C’est cette même maîtresse d’école,
qui, un matin, lui en a fait l’annonce :
sa mère a découvert, entre ses guiboles,
son petit frère, qui maintenant pionce .
Elle ne savait pas sa mère enceinte.
Quelle surprise ça a été pour Jeannine
d’apprendre, dans une émotion non feinte,
qu’elle perdait son statut de benjamine.
Marianne, sa Maman, s’est trouvé honteuse
de redevenir mère, à cet âge,
même si elle était loin d’être gâteuse !
Qu’allait donc penser le voisinage ?
Jeannine s’est retrouvée « petite maman »,
s’occupant beaucoup de son petit frère.
Elle emmenait Michel partout, vaillamment,
en étant parfois un peu téméraire.
Lors d’une sortie avec les copains,
Michel eu un accident de poussette.
Ejecté, évitant le coup du lapin,
il a tout de même perdu sa sucette !
Heureusement qu’il ne pouvait témoigner !
Jeannine espérait qu’aucune séquelle,
qui ne pouvait rapidement se soigner,
ne touche son cher Michel, à cause d’elle !
Elle arrêta l’école dès ses quatorze ans,
enivré par son goût de la liberté,
qui se finance avec un peu d’argent,
dans ce moment charnière de la puberté.
Il lui fallait travailler au plus vite,
pour pouvoir s’acheter une mobylette,
et rembourser les échéances souscrites
auprès du bon Henri, pour ses emplettes.
Avec son sens de la communication,
ainsi que son talent de couturière,
elle n’avait pas besoin d’autre formation
pour enjamber et sauter les barrières.
Différents magasins de prêt à porter,
comme celui de Tassin-Plantade à Divion,
lui ont offert des contrats pour débuter,
dans la vente, les retouches et d’autres fonctions.
Elle accompagnait ses différents patrons,
pour leurs approvisionnements à Paris,
dans le quartier du Sentier et environs.
Elle aimait ces fouillis et charivaris !
Grace à sa plastique et sa grande taille,
elle participait aux essayages
des modèles choisis pour la vente au détail,
devenant mannequin, le temps du voyage.
MICHEL
Arrivé comme un fruit de fin de saison,
Michel s’est trouvé perdu dans le panier.
Frères et sœurs étaient déjà en floraison,
leurs semences en étalage chez le grainier.
En âge et comme partenaires de jeux,
il se découvrit plus de proximité,
que le ciel soit bleu, couvert et nuageux,
avec ses voisins directs de la cité,
et aussi, les dimanches et jours de fêtes,
avec ses neveux et nièces de passage.
Les personnes extérieures étaient stupéfaites
des ingrédients familiaux en brassage.
Sa grande sœur, Jeannine, était sa nourrice.
Elle l’emmenait partout avec elle,
même lorsqu’elle se montrait séductrice,
lors de ses rendez-vous derrière la chapelle.
Jeannine était ainsi toujours escortée,
lorsqu’elle embrassait Jean-Paul, son ménestrel.
Les tourtereaux acceptaient de supporter
le regard curieux et coquin de Michel.
Pour tester ses créations de couture,
Jeannine habillait Michel de ses prototypes,
que l’on pourrait retrouver dans le futur
chez tous les célèbres marchands de fripes.
Pour faire accepter la collaboration,
du petit modèle, amateur d’espace,
il fallait lui faire connaître l’aviation,
dans un des manèges de la ducasse.
Assis sur le muret, comme sur un gradin,
les poches vides, sans un seul kopeck,
il attendait souvent au bout du jardin,
le retour de sa maman ou de Tadek.
Le vendredi, Marianne rentrait du marché
Avec la faisselle pour les pieroguis,
plat typique polonais très recherché,
pour pouvoir retenir tout petit Tanguy !
L’oncle Tadek, qui vivait à la maison,
rentrait de ses visites chez le docteur,
avec les remèdes pour sa guérison,
et une prescription du bonimenteur :
Il faut soigner efficacement son mal,
en prodiguant le bien tout autour de soi !
Pour cela nul besoin de cure thermale,
au sein d’un établissement vichyssois !
L’oncle Tadek, sur son trajet de retour,
s’arrêtait dans un magasin de jouets,
pour, comme un magicien à la fin d’un tour,
montrer une boite que l’on peut secouer,
d’où sortait une pochette surprise,
à destination de son petit Michou,
assis sur le muret derrière la remise,
en contrebas de la plantation de choux.
Lorsque jeudi, jour de relâche à l’école,
l’hiver nappait le sol de crème fouettée,
blanche et légère, dont tous les palais raffolent,
les bambins se régalaient dans la cité.
Marianne complétait le festin du midi,
à destination de toute la marmaille,
de plinzes saupoudrées de sucre Candy,
ou accompagnées de saucisson à l’ail.
Comme pour les autres enfants de la famille,
le jeudi était en partie occupé,
et il n’était pas question qu’il resquille
par le catéchisme, toujours bien sapé !
La messe du dimanche matin, pour ses « amen »,
n’était pas la seule des servitudes.
Après l’école, le reste de la semaine,
il fallait qu’il patiente à l’étude.
Samedi soir, c’était cours de polonais.
En saison, le travail de jardinage
complétait la semaine du garçonnet.
Peu de temps pour les copains de son âge !
C’est pourtant avec eux qu’il développa
son talent de gardien de but de football.
D’où venait la réserve de son papa ?
Était-ce lié à son poste de goal ?
Pouvait-on imaginer comme gardien,
un petit polack au milieu d’un coron,
alors que dans la cité des musiciens,
celui des houillères faisait le fanfaron.
Michel s’engagea dans le club de la ville,
où rapidement il s’est fait remarquer.
Il était infranchissable et agile.
Difficile pour les adversaires de marquer !
Prestement, il gravit tous les échelons,
jusqu’à intégrer l’équipe première.
Il attirait, dans ses gants, tous les ballons,
et sur lui, tous les faisceaux de lumière.
Des recruteurs vinrent pour le faire signer,
dans un club de division supérieure,
pour de suite, comme titulaire, l’aligner
dans l’équipe sensée être la meilleure.
Sa carrière sportive s’est arrêtée
brutalement suite à une blessure,
contractée en match, au début d’un été,
qui a scellé une double cassure :
Celle de sa jambe brisée et plâtrée,
et celle de la décision paternelle,
de lui interdire le sport et le cloitrer
dans ses études, bien plus essentielles.
Pour Wladyslaw, difficile d’imaginer,
de voir son fils vivre sa même infirmité,
après l’explosion de sa jambe, minée !
Le pilon de bois ne pouvait s’hériter.
Michel se concentra donc sur ses études,
fut diplômé d’enseignement supérieur,
sans connaître trop de vicissitudes,
jusqu’à se trouver un premier employeur.
Dans les étapes de sa vie scolaire,
lorsque ses résultats étaient plus mauvais,
ses parents n’étaient pas trop en colère,
mais, disaient-ils, tout de même pas satisfait !
Lorsque les résultats étaient bien meilleurs,
leurs retours n’était pas vraiment différents.
C’était « pas mal », pour une famille de houilleurs.
Difficile de ne pas garder son rang !
Une seule fois, Wladyslaw a exprimé
sa joie et sa fierté à son dernier fils,
lorsqu’il a eu la chance d’être primé,
par les services de préfecture de police.
Il avait eu son permis de conduire !
Quel grand honneur d’avoir chez soi, un chauffeur,
et une voiture, comme tous les ronds de cuir !
Une occasion pour aller chez le coiffeur !
La voisine sera aussi invitée
à venir boire un café à la maison,
pour célébrer avec amabilité,
leur nouveau statut, Michel et son blason.
Ils en ont profité de suite pour partir,
conduits par ce chauffeur sans expérience,
rendre visite, sans vraiment s’appesantir,
à Marian, très loin, dans l’EST de la France.
Laurent Podraza
(Merci à Marian, Chantal, Judith et Michel pour les partages de souvenirs)
EPISODE 14, prochainement !
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