Vie à la République (1ère génération)
Le frangin de Wladeslaw, le plus proche,
est venu d’Allemagne après la guerre.
Tadek a réussi à quitter les boches,
et leurs prisons aux enceintes grégaires.
Marian l’accompagna au bureau des mines,
pour son engagement comme mineur de houille,
lui traduisant les clauses qui tartinent,
le contrat, qu’il signa d’une gribouille.
Léon, un petit frère de Marianne
a été accueilli après le décès
de sa Maman adorée, Micheline,
qui n’avait pourtant, de sa vie, fait d’excès.
Il quitta la maison pour son mariage
après une période de présence.
Il y aura aussi d’autres passages,
pour profiter du gite de complaisance.
Hélène, une petite sœur de Marianne,
et son mari, feront des aller-retours,
comme s’ils se balançaient sur une liane,
hésitants, au moment du saut pour toujours.
Ils tenteront bien un retour aux sources
sur les terres d’origine de Pologne,
après avoir obtenu une bourse.
Mais ils avoueront ensuite sans vergogne,
que toute leur famille ne s’y plaisaient pas.
Seul le mari revint dans un premier temps,
rebroussant son chemin, marchant sur ses pas,
sous le statut de clandestin pénitent.
Il reprit sa place « à la république »,
Avant de faire revenir sa femme,
et son foyer, au chaud, entre les briques,
autour du poêle à charbon et sa flamme.
Il s’engagea comme mineur à Liévin,
pour régulariser sa situation.
Et comme portée par un ciel si divin,
Hélène oublia son expatriation.
Au milieu de l’équipe de gueules noires,
se trouvait aussi Kosak, un vieux sorcier.
Endurci par la vie et ses déboires,
il remerciait Sainte Barbe de l’avoir gracié.
Lui qui était sans famille, sans repère,
retrouvait dans le partage de leur vie,
la douce convivialité de ses pairs,
comme les tours de Notre Dame de Cracovie,
où celles qui se montraient entre ses mains,
par chance, pendant les parties de cartes.
Il pouvait ainsi rêver de lendemains
avec une dame de cœur, dans un appart.
Depuis des années, il était pensionné,
mais encore et toujours vieux célibataire.
Est-ce cela qui a pu conditionner
son départ pour un nouveau pied à terre ?
Il dégota une petite chambre,
située à l’arrière d’une épicerie,
qui ressemblait à partir de novembre,
à une réserve pour la charcuterie.
La fraicheur permettait la conservation,
de sa vieille carcasse saucissonnée,
réveillée parfois par les conversations,
des clients, qu’on ne pouvait pas bâillonner.
Au sein de cette maison des houillères,
au 153, rue de la République,
Marianne semblait être la tenancière
d’une pension à l’activité cyclique.
Les différents repas étaient préparés,
Les lits et leurs couchages étaient partagés
entre tous les pensionnaires amarrés
à la sortie du puit, d’où ils surnageaient.
Chacun avait son poste et ses horaires,
et trouvait à son retour, en toute saison,
qu’il soit un ami, fils, mari ou frère,
une assiette bien remplie, à la maison,
suffisante pour remplir toutes les bouches
accueillantes de ces mineurs polonais.
N’ayant pas encore de salle de douche,
ni d’eau chaude coulant par le robinet,
Marianne chauffait, sur le poêle à charbon,
de l’eau, dans ses marmites et casseroles,
pour remplir une bassine et des bidons.
Les gars retiraient leurs fripes et leurs grolles,
pour leur toilette, assis dans la bassine.
Les tenues étaient ensuite lessivées,
afin d’éliminer crasse et toxines.
Pour Marianne, tous les jours une corvée.
Les bidons fournissaient aussi l’eau chaude
pour humidifier tout le linge souillé,
à passer, sans tambour ni électrode,
sur la planche à rainures, agenouillée.
C’était plus compliqué depuis l’incendie
des vestiaires de la fosse numéro cinq.
Marianne, avec l’aide de Léocadie,
assuraient le services , comme celles qui trinquent !
Elle préparait aussi la gamelle,
pour chacune des fourmis ouvrières.
« Je prépare le briquet » disait-elle,
en raclant le fond de sa cafetière.
Aucun lien avec le tabac qu’elle roulait,
comme une rotative d’imprimerie,
avant le collage des feuilles par lés,
pour chacun des soldats de l’infanterie.
Dans ses moments de pause, en cachette,
avec sa sœur et voisine, Pélagie,
elles s’allumaient une cigarette,
s’émancipant ainsi, par la tabagie.
Au fond, Wladyslaw avait été rocheur.
Il lui fallait agrandir la galerie,
armé d’un seul pic, puis d’un marteau piqueur,
jusqu’au jour maudit de sa mutinerie.
Tous ses pics n’amusaient plus la galerie.
Elle s’est rebellée en lui tombant dessus.
Tout de même violent pour une fâcherie !
L’amputation était la seule issue !
Raide comme un piquet, sur son nouveau pilon,
refusant toujours de montrer sa peine,
il ne trouvera plus de nouveaux filons,
mais il saura ensuite que c’est sa veine.
Les houillères vont bien l’affecter au fond
Mais son infirmité va le cantonner
aux galeries les plus hautes de plafond
d’accès possible sans se contorsionner.
Sans risque de chute, il ne pouvait plus,
s’agenouiller, se baisser, courber le dos.
Et s’il tombait par terre ou sur le talus,
il fallait attendre l’aide d’un badaud.
Impossible pour lui de se relever,
de se remettre sur pieds de lui-même.
Il fallait un quidam pour le soulever.
Rien à voir avec une quelconque flemme.
Pour la gueule noire, tout n’était pas sombre.
Les grandes galeries avaient l’avantage,
d’être alimentées de bouches en nombre,
pour aérer les bronches de tous âges.
En plus, il n’avait plus les postes harassants,
à la lumière de la lampe frontale,
dans des espaces encombrés et oppressants,
qui obligent à une posture bancale.
Dans la galerie d’extraction du charbon,
où les abatteurs attaquaient la veine,
pas plus d’un mètre trente jusqu’au plafond,
mesuré à partir du sol, la daine.
Il sera employé comme cantonnier,
chargé du nettoyage des rigoles.
St Barbe ne pouvait l’excommunier,
pour une jambe que l’on rafistole.
Il utilisera son pilon pour curer
Le fond des rigoles et les nettoyer,
jusqu’au jour où il a dû trop carburer.
Sa jambe fut une nouvelle fois broyée !
Son fils, Marian, occupé à son poste,
fut appelé en secours de tout urgence.
Le fiston accouru pour engager la riposte,
en se souvenant de son expérience.
Il imaginait retrouver son père,
avec une jambe en sang, mutilée,
souffrant, allongé sur une civière.
Comment s’attendre à le voir jubiler ?
Il rigolait, assis sur le wagonnet,
montrant du doigt, sa jambe de bois brisée.
Les souvenirs angoissants du garçonnet,
qui hantaient Marian, devaient cicatriser.
Wladyslaw prit tout de même l’ambulance,
qui l’emmena de suite vers l’hôpital.
Sa blessure, sans aucune doléance,
encore juché sur son piédestal,
fut déclarée comme accident de travail,
pour la fracture de sa jambe de bois.
La caisse de secours lui offrit donc un bail
de congés pour maladie de quatre mois.
C’était peut-être le temps nécessaire,
pour reconfectionner une autre quille,
qui formera une nouvelle paire,
devant pouvoir enfiler ses godilles.
La période de repos de l’échassier
s’est faite dressée sur une seule patte,
à lire « Narodowiec » et ses bons papiers,
et à jouer à des parties de cartes.
Les amis et les camarades du fond,
participaient aux repas et réunions,
ainsi que les proches voisins du coron,
pour toutes les fêtes, mariages et communions.
Ils rappliquaient aussi les samedis soir,
se passionnant pour les spectacles de catch.
Peut-être était-ce pour eux un défouloir ?
Ils ne pouvaient manquer ne serait-ce qu’un match.
Marianne et Wladyslaw étaient les premiers
de toute la rue et même de la cité,
à avoir la TV, comme de fins limiers,
faisant preuve de franche sagacité.
Pélagie vivait à fond tous les combats,
poussant des cris, pinçant ses congénères,
tapant en mimant le passage à tabac,
d’un « Bourreau de Béthune » imaginaire.
Jeannine, traditionnellement assise,
à ses côtés, mais pourquoi ce choix morbleu ?
se réveillait le dimanche, avant l’église,
les cuisses pleines d’hématomes tout bleus.
Tadek, aimant toujours offrir des cadeaux,
aidera Marian dans son investissement,
pour s’acheter sa première auto Renault,
sans envisager son amortissement.
C’était peut-être son cadeau de départ,
un présent pour le futur de son neveu !
Tatek savait sa mutation autre part,
vers le si mystérieux royaume des cieux.
Il n’avait qu’une cinquantaine d’année,
mais déjà silicosé à cent pour cent.
Son travail l’a lentement assassiné.
Le crime parfait, sans effusion de sang !
Le mineur de fond est enterré vivant,
se transformant doucement en poussière,
qui s’engouffre dans ses bronches par le vent
de son souffle, vers cette souricière.
Laurent Podraza
EPISODE 15, prochainement !
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