EPISODE 11 : APRES-GUERRE (Vie au foyer)
Avant l’arrivée à la République,
la famille a connu la rue des Vosges.
Un plein pied qui n’était pas encore de brique,
à coté de La Lave, où l’on patauge.
Puis ce fut la maison de la rue Bizet,
affectée par le garde de la cité,
qu’il avait choisie, cette fois, de diviser,
pour ainsi être partagée et habitée.
Les « colocs » furent Pélagie et son mari,
la frangine de Marianne, la plus proche,
jusqu’au changement de leur bergerie,
quelques temps après le départ des boches.
La maison devenait alors trop grande,
pour la seule famille de Marianne.
Ce serait, pour le gardien, trop d’offrande.
Il fallait donc les changer de cabane.
Ce sera, à côté, dans la rue Chopin.
Deux chambres suffisaient pour tous les quatre,
jusqu’à l’arrivée des autres galopins,
qui ont commencé à pousser les plâtres.
Et donc enfin, la rue de la République,
avec les chambres à l’étage, sans chauffage,
suffisamment grandes pour toute la clique,
qui appréciait le gavage des œsophages.
Au rez de chaussée, un point d’eau froide,
un poêle à charbon au milieu du séjour,
qui chauffait les poils et nourrissait l’escouade,
de mijotés de soupes et de plats du jour.
Les enfants ont vite investi le quartier,
tout en se méfiant constamment du garde.
L’espion des houillères, sans aucune pitié,
qui dans ses rapports, chaque jour, cafarde.
Il n’était pas rare de les voir détaller,
flanqués de ce Gargamel à leur trousse,
qui passait son temps à crier, à râler !
« Rien de tel que de leur mettre la frousse ! »
Il s’agissait d’anticiper leurs bêtises,
de leur faire déjà connaître la pression,
peu importe si on les stigmatise,
de la possibilité d’une expulsion !
C’est lui qui est passé prévenir Marianne,
de l’accident de Wladeslaw à la mine.
Elle n’a jamais été une femme à poigne,
mais en pleine révolution dans sa poitrine,
agrippa le petit Marian par la main,
pour courir vers l’hôpital Saint Barbe,
égrenant son chapelet sur le chemin,
talonnant les pavés et leurs joints d'herbe !
Ils découvrirent Wladeslaw sur un brancard,
dans ses habits de mineur, couverts de suie,
qui attendait là, au milieu du couloir,
les jambes recouvertes, son sauf-conduit !
Comme poussé du fond de sa berline,
ce wagonnet roulant dans les galeries,
grâce à la force de la traction chevaline,
il fut pris en charge par la cavalerie.
Les chevaliers blancs apparurent ainsi,
poussant en « hersheurs » le brancard à roulettes,
vers une phase utile d’antisepsie.
Le stérile minier n’était pas obsolète !
Avant d’emprunter la galerie blanche,
l’infirmier pris le casque de son patient,
sur le drap, juste à côté de sa hanche,
pour le placer sur la tête de Marian !
Il trouva si spirituel d’ajouter :
« Tu feras un bon mineur mon petit ! »
en charriant son Papa se faire charcuter,
sans aucun certificat de garantie !
Wladislaw n’eut pas le temps de dire « houille » !
Une de ses jambes était mise à pied !
Il fallait désormais qu’il se débrouille,
pour vivre l’existence d’un estropié.
Marianne et son petit attendaient, priaient,
sur un banc de la chapelle attenante,
ou sur une chaise qu’elle retournait,
s’agenouillant de manière déférente.
Ce contact du genou avec la chaise,
et son assise faite de bois de chêne,
était-il un signe figurant la prothèse,
qu’allait porter son mari, par déveine ?
Ce pilon de bois placé sous le genou,
symbolisait peut-être la génuflexion
vécues même dans la position debout,
en signe de respect et de soumission.
Au-delà de ses séquelles physiques,
Wladeslaw eu du mal à les accepter.
Il aurait préféré être amnésique :
Le fantôme de sa jambe le hantait.
Il exprimait ce mal-être dans des crises.
Ses deux ainés ont dû casquer au prix fort,
alors qu’ils attendaient plutôt des bises,
ou même tout autre geste de réconfort.
A la moindre incartade, frustration
ou non-respect de certaines consignes,
les coups pleuvaient dru, sans évaporation,
jusqu’à l’écoulement des larmes des cygnes.
Dépourvue de toute fierté masculine,
Léocadie déployait le parapluie,
dans une tactique bien plus maline :
Les larmes coulaient bien avant les ennuis.
Marian était lui, bien plus traumatisé :
Il passait à la caisse, et payait le prix,
en liquide, par l’énurésie attisée
et entretenue par son enfance meurtrie.
Le jeudi, Marianne partait négocier
le beurre fermier et les victuailles.
Wladislaw devait s’occuper des gosiers,
mais Marian déguerpissait dans la paille !
Il se planquait et becquetait dans les champs,
pour fuir cette autorité paternelle.
Tout paraissait plus gouteux et alléchant
que ses soupes et ses plats de quenelles.
Les suivants ne connaitront plus ces sévices
seulement une certaine indifférence.
Marianne, lorsqu’elle aura à serrer les vis,
appellera Marian, pour une suppléance.
Il deviendra un soutien éducatif
aidant Marianne à élever les enfants,
un grand frère, comme père adoptif :
« Si t’es pas sage, je le dis à Marian ! »
Laurent Podraza
Episode 12 : "APRES-GUERRE (Les enfants)", prochainement !
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