EPISODE 6 : GLOBE-TROTTER
Wladislaw, au commencement de sa vie,
dans le village agricole de Chorzewa,
juste entre Cracovie et Varsovie,
apprit vite que la mère s’en vient s’en va.
Elle s’est retirée un soir de pleine lune,
laissant tous ses enfants à marée basse.
Il savait déjà qu’il n’en aurait qu’une,
même si une autre prendra sa place.
On le remisa dès sa petite enfance,
dans une ferme, pour gagner son beurre,
n’ayant pas les moyens de sa subsistance.
L’époque n’était pas au régime de faveur.
Il apprendra à lire et à écrire,
en regardant par-dessus les épaules
des enfants de la famille, en délire,
qui travaillaient leurs devoirs pour l’école.
Il ne connaitra pas la scolarité,
seulement le travail du bois à couper.
La famille avait déjà la charité,
de lui offrir ses déjeuners et soupers.
Il verra passer le long de son enfance,
tantôt les casques à pointe venus de Prusse,
qui ne venaient pas là que pour leurs vacances,
tantôt les armées impériales russes.
Il aura ainsi l’occasion de tester
dans ses propres enquêtes comparatives,
quelle armée il faudrait le plus détester.
Qui a eu la note la plus négative ?
Une seule a montré de l’humanité
en partageant avec lui un peu de pain.
Il a voté avec unanimité :
le tableau d’horreur décerné aux prussiens.
Arrivé le temps de la maturité,
Il décida de quitter sa terre natale,
pour chercher un avenir à inventer,
et un cœur à ouvrir entre les pétales.
La plupart de ses congénères fonçaient
vers un des deux bureaux de recrutement
mis en place, là-bas, par l’Etat français.
Il suffisait de quelques émargements.
Des trains entiers étaient ainsi affrétés
pour acheminer les nouvelles recrues,
en toute saison, de l’hiver à l’été,
avant que les flots ne puissent être en décrue.
Mais Wladislaw avait eu tôt l’intuition
qu’il fallait signer son contrat sur place,
pour y obtenir de meilleures conditions,
même sans maîtriser la paperasse.
Il partit par le train, clandestinement,
dans les wagons à bestiaux ou marchandises,
sans vraiment connaître son cheminement :
arrêts et correspondances précises.
Il désirait rejoindre sa sœur à Joeuf,
dans l’EST de la France où elle résidait.
Il demanda son trajet auprès d’un bœuf,
qui ne put l’informer, étant hollandais.
Après des jours et des nuits interminables,
avec le bétail ou le grain d’épeautre.
Il se trouvait désorienté et minable,
à force de sauter d’un train à l’autre.
Il descendit discrètement sur un quai,
après avoir subi quelques déviations,
sans pouvoir imaginer qu’il débarquait
dans une région loin de sa destination.
Il mettra longtemps à dire à Marianne,
bien après qu’il lui ait demandé sa main,
qu’il était arrivé à Marignane,
Ainsi, il avait du rebrousser chemin.
Il remonta les voies ferrées vers le nord,
pour terminer, chez sa sœur, son périple.
Elle accepta les ronflements sonores
de son frère, maître de lui sans disciple.
Il méritait les quelques jours de repos,
et les gamelles de soupe bien chaude.
pour récupérer, et dégeler sa peau,
stigmates de son passage en fraude.
Un matin, il décida de repartir
cette fois dans un wagon à passagers.
Il gardait toujours en esprit d’aboutir
aux houillères, pour s’y faire engager.
Avoir de quoi se nourrir et un toit,
étaient ses premières grandes ambitions.
Il arriva bien à Bruay en Artois,
destination finale de sa mission.
Laurent Podraza
Episode 7 : "HOUILLERES" , la semaine prochaine
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